TDAH de l'adulte : en complément d'une psychothérapie, le méthylphénidate est-il utile ?
Par Sophie DUMERY - Date de publication : 31 Mars
2016
SOURCE VIDAL DIFFUSION TOUS LES MEDECINS
1
2
3
Le
TDAH (Trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité), qui se caractérise par une association de symptômes, inattention et hyperactivité/impulsivité évoluant
depuis plus de 6 mois, n’est pas rare chez l’adulte, bien que son traitement médicamenteux ne soit pas encore reconnu en France (à l’inverse des pays anglo-saxons).
Pour la première fois, des chercheurs allemands ont organisé un essai clinique randomisé multicentrique incluant 419 patients avec un TDAH, âgés de 18 à 57
ans et comparant différentes approches thérapeutiques du TDAH avec un suivi sur 1 an.
Les résultats, publiés dans JAMA
Psychiatry, confirment l’utilité de la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et ne constatent pas de différence en fonction de ses modalités (entretien
individuel non spécifique ou en groupe très structuré).
Les auteurs ont également mis en évidence que l’ajout de méthylphénidate (Ritaline et dérivés) améliore significativement, versus placebo, les
résultats de la TCC (individuelle ou en groupe), à 3 mois et à 1 an.
Une recherche intéressante dans la perspective de l'amélioration de la prise en charge de ce trouble, mais rappellons que la prescription de méthylphénidate chez l’adulte avec un TDAH
n’est pas recommandée en France (prescription hors
AMM).
L'ensemble de symptômes définissant le TDAH affecterait environ 1 adulte sur 40
(illustration).
Le TDAH de l'adulte, mal connu en France
Le TDAH (Trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité) toucherait environ 2,5 % de la population
adulte (Br J Psychiatry 2007 ; NEJM 2013 ), même si l'estimation est difficile étant donné qu'il s'agit
d'un ensemble de symptômes encore relativement mal défini (inattention, hyperactivité, impulsivité, perte de la notion du temps, conduites à risques, etc.)
et pas toujours reconnu, en fonction des pays (ce trouble chez l'adulte est reconnu aux Etats-Unis, Angleterre, Allemagne ou Canada, mais pas encore en France,
contrairement au TDAH de l'enfant).
Chez l'adulte, comme chez l'adolescent, l'évolution du TDAH peut se compliquer de difficultés sociales et troubles psychiatriques plus ou moins sévères (anxiété, dépression,
addictions).
Le méthylphénidate, traitement de 1ère intention en Allemagne et dans
les pays anglo-saxons. Pas d'AMM chez l'adulte en France
Dans les pays anglo-saxons ou en Allemagne, suite à plusieurs
méta-analyses montrant un effet significatif mais modéré du méthylphénidate (CONCERTA, MEDIKINET, QUAZYM et RITALINE), ce médicament est autorisé comme traitement de première intention chez l'adulte avec
TDAH.
Mais en France, il n'existe pas de recommandations officielles guidant le traitement, médicamenteux ou non ,du TDAH de l'adulte (contrairement à celui de
l'enfant, cf. HAS décembre 2014).
Plusieurs études pilotes montrent également un intérêt des thérapies
cognitivo-comportementales
Les TCC ont montré un effet favorable autonome dans plusieurs études
pilotes ou non randomisées (comme Hirvikovski et
coll. Behaviour Research & Therapy 2011), et des effets supérieurs aux autres stratégies
psychothérapiques dans d'autres études (comme Safren et
coll. JAMA 2010).
Un essai randomisé multicentrique avec 4 groupes d'adultes diagnostiqués
TDAH
Afin d'affiner la stratégie thérapeutique, Alexandra Philipsen et ses
collaborateurs ont décidé d'effectuer un essai randomisé pour déterminer si les TCC était plus efficaces seules (entretien individuel) ou
en groupe (TCC de groupe structurée spécifiquement pour lutter contre le TDAH), et si l'adjonction de méthylphénidate était utile.
Cette étude a été réalisée grâce à la participation de 419 patients présentant un TDAH, âgés de 18 à 58 ans et recrutés dans 7 centres d'études.
Pour effectuer les comparaisons nécessaires, les auteurs ont constitué 4 groupes de patients :
- TCC en groupe +
méthylphénidate,
- TCC en groupe +
placebo,
- TCC individuelle +
méthylphénidate,
- TCC individuelle +
placebo.
Des entretiens réguliers et un traitement médicamenteux pendant 1
an
Les TCC, en individuel ou en groupe, ont été effectuées 1
fois par semaine pendant 12 semaines, puis 1 fois par mois pendant 9 mois. L'aveugle n'était par définition pas possible.
Les patients affectés au méthylphénidate ont débuté la posologie à 10 mg/j avec une augmentation progressive de T0 à 6 semaines jusqu'à 60
mg/j, sans dépasser une posologie de 1,3 mg/kg/j. Ce traitement a été poursuivi sur une année. La randomisation médicamenteuse s'est faite en double
aveugle.
Une grille spécifique d'évaluation du TDAH de l'adulte pour évaluer l'impact des
différents traitements
Le critère principal de l'étude était l'évolution du "CAARS TDAH" ("Conners Adult ADHD Rating
Scale"),échelle évaluant différents aspects du TDAH de l'adulte (attention/mémoire, hyperactivité/agitation, impulsivité/labilité émotionnelle, estime de soi)
: plus le score est élevé, plus la symptomatologie est présente aux yeux de l'observateur.
Une amélioration constatée dans les 4 groupes au bout de 3 mois de
traitement
A la 13e semaine, l'évaluation par le "CAARS TDAH" montre
une amélioration dans tous les groupes.
Cette amélioration est significativement renforcée dans les 2 groupes sous méthylphénidate vsplacebo (différence moyenne de scores : -1,7 ; IC97,5% -3 à -0,4;
p = 0,003). A un an, cette différence persiste, que la TCC soit faite en groupe (p = 0,04) ou en individuel (p = 0,03)
Pas de différence liée aux modalités de la TCC, pas d'influence sur les éventuels
symptômes dépressifs
La TCC spécifique en groupe n'apparaît pas supérieure à l'approche
psychothérapeutique individuelle "classique " (IC95% 0,0 - 2,2, p = 0,06), absence de différence confirmée à 1 an.
Enfin, l'éventuelle dépression, mesurée par une autre échelle (un des critères secondaires de l'étude), n'a pas varié dans les 4
groupes, soulignant l'absence d'efficacité spécifique du méthylphénidate sur les troubles de l'humeur.
En conclusion
Cette étude, la première du
genre avec 4 groupes et un suivi supérieur 6 mois, montre donc que les interventions psychologiques sont plus efficaces lorsqu'elles sont combinées au méthylphénidate
(comme chez l'enfant).
De plus, ces interventions psychothérapeutiques n'ont pas besoin d'être effectuées en groupe : la psychothérapie individuelle, beaucoup plus facile à mettre en œuvre,
apparaît comme aussi efficace.
Rappelons cependant, à nouveau, que cette étude est relayée ici à titre d'information sur la recherche en cours : le méthylphénidate n'a pas l'AMM en
France pour le TDAH de l'adulte.
En savoir plus :
Etude objet de cet article :
Alexandra Philipsen, MD; Thomas Jans, PhD; Erika Graf, PhD; et al. Effects
of Group Psychotherapy, Individual Counseling, Methylphenidate, and Placebo in the Treatment of Adult Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder. A Randomized Clinical Trial. JAMA Psychiatry. 2015;72(12):1199-1210.
Autres études citées par les auteurs et mentionnées dans cet article :
Fayyad J, De Graaf R, Kessler R, et al. Cross-national prevalence and correlates of adult
attention-deficit hyperactivity disorder. Br
J Psychiatry. 2007;190:402-409.
Volkow ND, Swanson JM. Clinical practice: adult attention deficit-hyperactivity
disorder. N Engl JMed.
2013;369(20):1935-1944.
Hirvikoski T,Waaler E, Alfredsson J, et al. Reduced ADHD symptoms in adults with ADHD after structured skills training group:
results from arandomized controlled trial. Behav Res Ther.
2011; 49(3):175-185.
Safren SA, Sprich S,Mimiaga MJ, et al. Cognitive behavioral therapy vs relaxation with educational support for medication-treated adults
with ADHD and persistent symptoms: a randomized controlled trial. JAMA. 2010;304(8):875-880.
Sur VIDAL.fr :
VIDAL Reco "TDAH de l'enfant"
TDAH :
publication de deux nouvelles études sur les éventuels risques des psychostimulants (juillet 2014)
Méthylphénidate : rapport de
l'ANSM sur l'utilisation et la sécurité d'emploi (juillet 2013)
Sources
: JAMA